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juillet 08, 2005

L'orage

DSC03860_orage.jpgL'été m'a happée cette semaine. Très peu de temps pour écrire ou pour cuisiner. J'ai fouillé dans mon ordi et je suis tombée sur ce court texte qui parle du temps où nous occupions une maison de ferme centenaire, en face de chez ma tante qui avait 9 enfants, dont 7 filles. Bienvenue dans mes souvenirs d'été.

Maman avait une peur bleue des orages. Un chalet pourvu d'un toit de tôle, entouré de peupliers centenaires n'avait rien pour améliorer les choses. Chaque orage la rendait à la fois hystérique et mystique.

Sa mère, Berthe, craignait aussi les orages. Elle avait toujours un petit flacon d'eau bénite en réserve. Au moindre grondement du tonnerre, elle lançait quelques gouttes du précieux liquide sur les rideaux. Ensuite, la vie continuait à l'écart des fenêtres que la foudre pouvait faire éclater en mille miettes à tout moment.

Maman n'avait pas d'eau bénite. Cela devait lui manquer. Je me souviens d'un orage particulièrement violent. Maman changea d'air. Elle poussait un petit cri à chaque éclair. À défaut d'eau bénite, elle dût se dire qu'un chapelet ne pouvait pas nuire. Elle voulut nous mettre à contribution. Mes deux frères, dociles, commencèrent leur litanie, entourant maman comme deux petits poussins apeurés.

Ma cousine Brigitte traversa la cour. J'en profitai pour filer à l'anglaise malgré les admonestations de maman. Moi, le chapelet paratonnerre...

Nous traversons le chemin sous de grosses gouttes de pluie qui s'écrasaient mollement sur l'asphalte. Entrons dans la maison. Tout le monde riait, criait. Pas de chapelet ni d'eau bénite ici. Nous sortons le jeu de Monopoly et nous bavardons. La pluie recouvrait maintenant les fenêtres d'un opaque rideau gris. Aucune réaction de
panique. Les éclairs se succédaient à un rythme d'enfer. Un vrai stroboscope. Nous jetions les dés. Le tonnerre couvrait nos palabres. Nous avancions nos pions. La pluie était encore plus forte.

Tout à coup, Isabelle pousse un cri. Enfin, une réaction normale. «La fenêtre! L'eau entre par la fenêtre! Vite!» Ma tante, Isabelle et Martine se précipitent dans l'armoire de la salle de bains pour attraper de vieux draps. Elles se rendent ensuite devant la fenêtre devenue passoire et ramassent l'eau en riant.

Mon pion tombe sur l'Avenue du Parc. Zut. 35 $. Nous parlons. Je regarde de l'autre bord. J'imagine les «Je vous salue Marie» tourbillonner autour de la table de la cuisine. Les autres épongent l'eau qui s'infiltre toujours. J'ai une pensée pour le marathon de prière de mes frères.

L'orage se fatigue enfin. Nous finissons notre partie. Un soleil timide se pointe à travers les nuages. Tout le monde s'amuse. Sauf mon oncle qui se promet bien de poser une ou deux questions au gars qui lui a installé une fenêtre neuve qui a peur des orages. Un mouton noir dans cette maison.

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© Tarzile.com, 2005

Publié à 10:04 AM | Commentaires (7)